PRINCIPE DES EXPERTISES "PROJET IMPORTANT" ET "RISQUE GRAVE"

Les expertises "projet important" et "risque grave" du CHSCT et du CSE s’inscrivent dans un objectif de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail. Elle vise à offrir au CHSCT ou au CSE, au travers d’un regard extérieur et indépendant, un espace d’échange sur le travail, ses conditions de réalisation et les transformations en cours et à venir.


Le législateur prévoit ainsi à l’article L. 4614-12 du Code du travail (concernant le CHSCT) et L. 2315-94 (concernant le CSE) que les représentants du personnel peuvent faire appel à un expert agréé par arrêté ministériel dans deux cas :

« Lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement. »


La mission de l’expert consiste, au travers de la réalisation d’un diagnostic portant sur l’organisation du travail, la population et la politique de prévention, à identifier les risques professionnels, les mécanismes et les facteurs qui ont favorisé leur apparition.


L’expertise vise ici à fournir au CHSCT ou au CSE une connaissance et une compréhension plus fine des risques professionnels présents dans son établissement  et ainsi l’aider à avancer des propositions de prévention des risques professionnels et des conditions de travail.



Quelques exemples de risques graves : multiplications de maladies professionnelles (Troubles Musculo Squelettiques, lombalgiques, pathologies respiratoires, cutanées, etc.) ; agressions physiques et verbales ;  situations de harcèlement, de stress, d’usure professionnelle ; présence de troubles psychosociaux, accidents graves ou mortels (chutes, collisions, électrocution, etc.) ; etc.

« En cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l'article L. 4612-8-1 (concernant le CHSCT) et L. 2312-8 (concernant le CSE). »


La mission de l’expert consiste, au travers de l’analyse de la substance et la conduite du projet croisée au diagnostic portant sur l’organisation actuelle du travail, d’établir un pronostic sur les conséquences futures probables du projet sur les conditions de travail et la santé des salariés.


L’expertise vise ici à éclairer les représentants du personnel pour leur permettre de rendre un avis circonstancié et ainsi aider le CHSCT ou le CSE à avancer des propositions d’amélioration du projet inscrites dans une perspective de prévention des risques professionnels.



Quelques exemples de projets importants :

plan de sauvegarde de l’emploi ; restructuration d’un service, d’un établissement, d’une entreprise ; déménagement ou réaménagement de locaux ; modification de l’organisation du travail : plan d’industrialisation, lean manufacturing, transformation de métiers, modification des horaires de travail, des critères d’évaluation, des systèmes de classification ; introduction de nouvelles machines, équipements ou systèmes informatiques ; etc.

  

COMMENT RECOURIR AUX L'EXPERTISES "PROJET IMPORTANT" ET "RISQUE GRAVE" ?

Le processus de désignation de l’expert répond à un formalisme qu’il convient de respecter si les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE veulent se prémunir de toute contestation possible. Ainsi, nous conseillons à tous représentants du personnel souhaitant recourir à l’expertise de contacter le cabinet ADDHOC Conseil préalablement. Nous évaluerons ensemble la pertinence de la demande d’expertise et guiderons les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE dans le processus de désignation.

Etape 1 : inscrire l’objet de l’expertise à l’ordre du jour


Le CHSCT ou le CSE ne peut valablement délibérer que sur un sujet en lien avec une question inscrite à l’ordre du jour de la réunion. Ainsi, que ce soit en cas de projet important ou de risque grave, tout recours à l’expertise doit faire l’objet d’une inscription préalable à l’ordre du jour d’une réunion ordinaire ou extraordinaire :


  

  • En cas de projet important, l’employeur doit indiquer son intention de consulter son comité sur un projet.  (exemple : « Consultation sur le projet de réorganisation de la production ») ;


  

  • En cas de risque grave, le CHSCT doit porter à examen le risque grave concerné. (exemple : « Analyse des TMS chez les manutentionnaires »).



Les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE ne sont pas obligés de porter explicitement à l’ordre du jour leur intention de recourir à l’expertise.

Etape 2 : rédiger une délibération


Les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE doivent rédiger une délibération de recours à l’expertise qu’ils porteront au vote lors de la réunion à venir. Cette délibération doit impérativement renseigner :


  

  • Le contexte et les motivations conduisant au recours à l’expertise. Dans le cas d’un projet important, il conviendra de lister les contraintes et incertitudes nourries par le projet concernant les conditions de travail et la santé des salariés. Dans le cas d’un risque grave, il est impératif que les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE fassent la démonstration de l’existence d’un risque grave. Ainsi, le CHSCT ou le CSE peut s’appuyer sur le rapport annuel du médecin du travail, sur les données du bilan social relatives au taux d’absentéisme et d’accidentéisme, au turn-over, ainsi que sur les constatations qu’il a pu faire lors d’inspections ou d’enquêtes ;


  

  • Le nom et l’adresse de l’expert désigné ;


  

  • Le cahier des charges préliminaire précisant les attendus de l'expertise, le périmètre de l’étude et les investigations confiées à l’expert ;


  

  • La désignation du membre représentant du personnel au CHSCT ou au CSE référent qui devra prendre toutes les dispositions nécessaires à l’exécution de la décision de recourir à l’expert, notamment prendre contact avec l’expert désigné et éventuellement engager, pour défendre les intérêts du comité, toutes les procédures administratives ou judiciaires requises.

           


Le soin apporté à la rédaction de ce document est capital. En effet, si l’employeur décide de contester l’expertise auprès du TGI, la délibération du comité sera un élément d'analyse central pour le juge qui statue en référé. Ainsi, nous conseillons ici encore les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE de contacter l’expert qu’ils ont choisi afin d’être assistés dans la construction de leur délibération.

Etape 3 : porter la délibération au vote du comité


La mission d’expertise est décidée par délibération des représentants du personnel au CHSCT ou au CSE votée à la majorité des membres présents. Le président ne prend pas part au vote.

Etape 4 : rédiger le procès verbal et prendre contact avec l’expert


Le résultat des votes, les débats et la délibération devront être portés au procès-verbal. Le membre référent contactera ADDHOC Conseil.

ADDHOC Conseil enverra alors une lettre de désignation au président de l'instance afin de convenir d’une première rencontre avec les représentants de personnel au CHSCT ou au CSE puis avec le président et ainsi débuter la phase d’instruction de la demande.

  

MÉTHODOLOGIE D'INTERVENTION

Expert agréé par le Ministère du Travail, ADDHOC Conseil à élaboré une méthodologie d’intervention visant à produire un point de vue factuel sur les situations de travail et les organisations. Conforme aux valeurs de notre cabinet, la méthodologie repose sur les principes suivants :

  

  • L’analyse de la demande comme point de départ de l’expertise ;


  

  • La formulation écrite de propositions d’intervention comme pré requis au démarrage de notre intervention ;


  

  • L’analyse du travail mise au cœur de nos investigations ;


  

  • La prise en considération à un même niveau de préoccupations de l’ensemble des logiques en présence ;


  

  • La promotion du point de vue des salariés au plus près du terrain ;


  

  • Le respect de règles déontologiques claires ;


  

  • La coopération étroite avec le CHSCT ou le CSE tout au long de l’intervention ;


  

  • L’attachement à partager notre savoir et nos méthodes d’intervention avec le CHSCT ou le CSE ;


  

  • La volonté d’aboutir à des propositions de recommandations concrètes et facilement appropriables par le CHSCT ou le CSE ;


  

  • Le principe d’un accompagnement et d'un soutien du CHSCT ou du CSE qui ne se limitent pas à la seule période d'intervention : nous gardons le contact même après la fin de la mission.

  

  

LES GRANDES ÉTAPES DES EXPERTISES "PROJET IMPORTANT" ET "RISQUE GRAVE"

Etape 1 : construction de la proposition d’intervention


  

  • Désignation de l’expert par délibération du CHSCT ;


  

  • Envoi de la lettre de désignation ;


  

  • Rencontre des représentants du personnel au CHSCT puis du président au CHSCT : instruction de la demande et présentation de la méthodologie d’intervention ;


  

  • Visite de site (si pertinent) ;


  

  • Demande de documents nécessaires à l’instruction de la demande ;


  

  • Elaboration d’un projet de lettre de mission ;


  

  • Validation de la lettre de mission par le comité et envoi au Président.

Etape 2 : démarrage de la mission



  

  • Envoi de la première liste de documents nécessaires à l’instruction de l’expertise ;


  

  • Transmission d’un planning d’entretiens.

Etape 3 : élaboration du diagnostic/Pronostic


  

  • Analyse sociotechnique : étude quantitative et qualitative de données de population, de santé, de production, d’organisation, etc. ;


  

  • Entretiens semi-directifs avec la direction, les acteurs de la prévention et les salariés concernés ;


  

  • Observations d’activités de travail.

Etape 4 : formulation de recommandations


  

  • Production de recommandations opératoires et générales.

Etape 5 : transmission des résultats d’expertise


  

  • Rédaction d’un rapport d’intervention;


  

  • Remise du rapport au comité ;


  

  • Présentation des résultats en séance préparatoire du comité ;


  

  • Présentation des résultats en séance plénière du comité ;


  

  • Présentation des résultats devant l’ensemble des salariés, en CE et en CCE ou en CSE central (sur accord).

  

  

QUESTIONS SUR LE PROCESSUS D'EXPERTISE "PROJET IMPORTANT" ET 'RISQUE GRAVE"

Quand recourir à l’expertise ?


Concernant l'expertise « projet important » : L'employeur a obligation de consulter son CHSCT ou son CSE « avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (article L. 4612-8-1 concernant le CHSCT et L. 2312-8 concernant le CSE). C'est à l'occasion de cette consultation que les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE peuvent, s'ils le souhaitent, faire appel à un expert afin de les aider à rendre un avis motivé.

Il est à noter que la mise en place d'un projet important sans consultation préalable du CHSCT ou du CSE constitue un délit d'entrave qui ne prive pas l'instance de son droit à l'expertise.


Concernant l'expertise « risque grave » : Les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE, lorsqu'ils sont confrontés à un faisceau d'indices leur permettant de raisonnablement estimer que tout ou partie des salariés sont exposés à une situation de travail susceptible de porter atteinte à leur intégrité physique et/ou à leur santé mentale, peuvent, s'ils le souhaitent, faire appel à un expert. Ainsi les représentants du personnel au CHSCT ou au CSE peuvent recourir à l'expertise dès lors qu'ils ont identifié un risque professionnel et qu'ils ne s'estiment pas en capacité d'analyser ou de prévenir celui-ci.

Contrairement au danger grave et imminent au sens des articles L. 4131-1 et L. 4131-2 du Code du travail (droit d'alerte et droit de retrait), le risque grave n'est pas nécessairement imminent, il peut également être latent comme par exemple dans le cas des risques psychosociaux.

Il est à noter que la couverture du risque identifié par des mesures de prévention existantes au sein de l'établissement ne prive pas le CHSCT ou le CSE de son droit à l'expertise. Dans ce cas, l'expert s'attachera à évaluer la pertinence et l'efficacité des mesures en question.

Qui choisit l’expert ?


C'est aux représentants du personnel au CHSCT ou au CSE qu'il revient de choisir librement leur expert parmi la liste des experts agréés par le ministère du travail. Il est à noter que l'employeur ne peut en aucun cas imposer le recours à l'appel d'offres même dans le cas d'entreprises publiques soumises au Code des marchés publics.

Qui paie l’expertise ?


Le CHSCT ne disposant pas de budget de fonctionnement, le législateur a prévu à l'article L. 4614-13 du Code du travail que les frais de l'expertise sont à la charge de l'employeur.


Le CSE disposant quant à lui d'un budget de fonctionnement, il est prévu :


  

  • Concernant les expertises pour Projet Important (hors projet de licenciements collectifs pour motif économique), que le CSE prenne à sa charge 20% du coût de l'étude ; les 80 % restants sont à la charge de l'employeur.


  

  • Concernant les expertises pour projet de licenciements collectifs pour motif économique, que les frais soient à la charge de l'employeur


  

  • Concernant les expertises pour Risque Grave, que les frais soient à la charge de l'employeur

Dans quel délai est réalisée une expertise ?


1/ Concernant le CHSCT :


Concernant l'expertise « projet important » sans restructuration et de compression des effectifs, le législateur prévoit à l'article R. 4614-18 du Code du travail que l'expertise doit être « réalisée dans le délai d'un mois. Ce délai peut être prolongé pour tenir compte des nécessités de l'expertise. Le délai total ne peut excéder quarante-cinq jours. »


L'expertise doit s'inscrire dans le délai préfix de consultation du CHSCT.

L'article L. 4612-8 du Code du travail prévoit que - sauf dispositions législatives spéciales ou accord - le délai préfix est de deux mois (trois mois en cas d'ITC-CHSCT) et ne doit permettre au CHSCT de rendre son avis 15 jours avant l'expiration du délai de consultation du CE. Ce délai court à compter de la communication par l'employeur des informations sur le projet.


Le délai de consultation du CE (hors PSE) est fixé par accord d'entreprise. À défaut d'accord les délais réglementaires prévus par le Code du travail (R. 2323-1-1) s'appliquent :

  • Deux mois en cas d'intervention d'un expert ;

  • Trois mois en cas de saisine d'un ou plusieurs CHSCT ;

  • Quatre mois si une instance de coordination des CHSCT est mise en place ;

  • Un mois si le CE n'est dans aucun de ces cas.


Concernant l'expertise « projet important » avec restructuration et de compression des effectifs, le législateur prévoit à l'article L. 4614-12-1 du Code du travail que l'expertise doit être réalisée « selon les modalités définies à l'article L. 4614-12-1» soit un rendu de « son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 1233-30 ».

Ce délai court à partir de la première réunion du CE sur le PSE (R1) et ne doit pas dépasser :

« 

  • Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;

  • Trois mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;

  • Quatre mois lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante. »


Dans le cas d'une DUP les délais applicables à l'expert sont ceux mentionnés à l'article R. 4614-18 du Code du travail (30 à 45 jours). Les délais de consultation de l'instance sont ceux applicables au CE (L.2326-5°6).


Concernant l'expertise « risque grave », le législateur ne prévoit aucun délai.



2/ Concernant le CSE


Concernant l'expertise « projet important », l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration du délai de consultation du CSE. Ce délai - sauf accord ou PSE - est de deux mois à compter de la communication par l'employeur des informations sur le projet. Il est porté à trois mois en cas d'intervention d'une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultation se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d'un ou plusieurs CSE d'établissement.



Concernant l'expertise « risque grave » le délai est :

  • Soit déterminé par accord d'entreprise ;

  • Soit défini par accord entre l'employeur et les représentants du personnel au CSE ;

  • Soit à défaut d'accord, de deux mois renouvelable une fois pour une durée maximale de deux mois par accord entre l'employeur et les représentants du personnel au CSE.

L’expertise suspend-elle la mise en place du projet soumis à consultation ?


Pas directement, c'est le processus même de consultation qui détermine la suspension du projet. En effet, les articles L. 4612-8-1 et L. 2312-8 4° du Code du travail prévoit que l'employeur a obligation de consulter son comité « avant toute décision d'aménagement important ».

De quels moyens dispose l’expert ?


L'expert a libre accès à l'établissement. L'employeur doit lui fournir les informations nécessaires à l'exercice de sa mission (articles L. 4614-13 concernant le CHSCT et R. 2315-45 concernant le CSE).

L’employeur peut-il contester une expertise ?


L'employeur bénéficie d'un droit de contestation de l'expertise (articles L. 4614-13 concernant le CHSCT et L. 2315-49 concernant le CSE). Ainsi, il peut contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel, l'étendue ou le délai de l'expertise. Il devra alors saisir le Tribunal de Grande Instance.


Concernant le CHSCT, l'employeur doit contester dans un délai de 15 jours à compter de la désignation de l'expert.


Concernant le CSE, l'employeur dispose d'un délai de 10 jours à compter :

  • Du vote de la délibération du CSE décidant le recours à l'expertise s'il entend contester la nécessité de l'expertise ;

  • De la désignation de l'expert par le CSE s'il entend contester le choix de l'expert ;

  • De la notification à l'employeur du cahier des charges et des informations prévues à l'article L. 2315-81-1 s'il entend contester le coût prévisionnel, l'étendue ou la durée de l'expertise.

 

Sauf abus, les frais de justice sont à la charge entière de l'employeur. Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine. Les délais préfix du CE, du CSE et du CHSCT sont suspendus jusqu'à la notification du jugement.


Dans le cas d'un projet de restructuration et de compression des effectifs, l'employeur ne saisira pas le Tribunal de Grande Instance mais le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi territorialement compétent.